Microsoft Global Anti-Piracy Awareness Day
Hier c'était le "Microsoft Global Anti-Piracy Awareness Day", unilatéralement décrété comme tel par ledit Microsoft. Wah! Déjà le titre c'est tout un programme, chaque mot provoque à sa lecture un étrange sentiment entre la crainte d'un nouveau monstre dont on ne sait pas encore quoi penser et l'amusement qui accompagne toute annonce émanant de Microsoft.
Il fallait bien un monstre omniprésent et omnipotent comme Microsoft pour avoir le culot de décréter une journée de prise de conscience anti-piratage (informatique) alors que justement le piratage (maritime) revient au 20h. On pourrait se dire qu'il vont financer la lutte contre ces bandits des voies navigables, mais non du tout! On parle de Microsoft hein, pas d'enfants de coeur, il s'agit bien d'une journée d'actions verbales et légales à l'encontre des méchants-pirates-pas-gentils qui copient ou falsifient les produits Microsoft. Concrètement, beaucoup de paroles, des statistiques, de l'éducation des masses dans les pays émergents, des menaces bien tassées à l'encontre de l'assembleur du coin...
Ah ben oui, le piratage est un sujet particulièrement sérieux à Redmond, pas une mince affaire puisque d'après eux il s'agit non seulement d'un colossal manque à gagner, mais également d'un sale coup dans le dos de l'innovation technologique. Ah ben oui forcément quand on dégage des bénéfices atroces à force de pousser la nouveauté à grands coups d'obsolescence planifiée, ça devient dur d'accepter que des millions de PC dans le monde n'ait pas payé leurs 150$ de patente menant à la frustration de voir un OS qui ne fait rien de plus que mettre sur les genoux un PC auparavant rapide tout en rendant inutilisables les applications sur lesquelles on comptait au quotidien. Et je ne parlerai pas du chapitre "innovation", c'est à hurler de rire de voir la compagnie mondialement reconnue pour utiliser tous les autres dévelopeurs de logiciels comme laboratoire de R&D géant, quitte à demander des brevets pour les inventions d'autrui.
Cela dit, ils l'admettent eux-même, le piratage ne concerne pas forcément les versions les plus récentes de leurs produits-phares (Windows Vista et Office 2007) mais bien les précédentes (Windows XP et Office 2003), dont la survie des ventes dérange quelque peu Microsoft, contraint par la pression des OEM à prolonger la durée de vie de XP de deux ans (Dell et HP continueront de vendre des PC sous XP jusqu'en juin 2009). La raison avancée officiellement par Microsoft, c'est qu'il s'agit d'un phénomène précédemment observé, il faut de l'ordre de deux ans pour que le piratage des versions récentes soit observé, ceci étant bien évidemment du aux "nouvelles technologies anti-piratage" qui nécessitent d'après eux deux ans à casser. Aucune explication n'est fournie par Microsoft sur la raison profonde qui fait que plus d'un tiers des PC neufs sont downgradés de Vista vers XP soit à l'achat soit par l'utilisateur après livraison. Dites les gars, si un tiers des acheteurs ne veulent pas du Vista que vous leur forcez, et si même les pirates ne veulent pas le pirater, c'est pas que fondamentalement ça n'en vaut même pas la peine? C'est l'histoire de la Lada qu'on peut garer en banlieue chaude vitres ouvertes et clé sur le contact sans avoir peur de se la faire voler, non?
Parce qu'il faut quand même bien le reconnaître, il y a ces dernières années quelques chose de pourri au royaume de Redmond. Sous l'égide de Bill Gates les choses étaient claires: Microsoft était une société de développement de logiciels destinés aux professionnels et aux administrations. Windows NT, Office, Outlook, Active Directory, ... le catalogue a toujours répondu aux attentes des mines grises qui dans leurs bureaux gris aux PCs gris veut avoir des logiciels gris qui sentent bon l'usine à gaz, et surtout dont on sait d'une version à l'autre qu'on ne va pas perdre le temps et l'argent consacré à la formation des utilisateurs desdits logiciels. Sous Ballmer c'est un peu différent. L'ami Ballmer à l'air de se prendre pour Steve Jobs, il veut visiblement que Microsoft concurrence Apple de front, et ça sur un front qui n'est pas exactement le fond de commerce de ces premiers: l'utilisateur lambda. Et là tout fout le camp: Windows Vista qui consacre tout au visuel et à "l'expérience d'utilisation" mais flingue tout repère existant auparavant, un Office à l'interface entièrement repensée qui fait que les utilisateurs à qui on avait payé deux semaines de formation ne tirent plus rien de ce qu'on leur a appris puisqu'il leur reste de nouveau tout à apprendre. Et tout ça est offert avec des licences aux pris prohibitifs bien dans la tradition microsoftienne, et des exigences matérielles qui obligeraient l'acheteur à en plus changer son matériel.
Dans la vraie vie, ce n'est pas Mr Gentil Papa qui achète son PC en promo au Carrefour qui va faire vivre Microsoft, c'est plutôt les administrations, entreprises et écoles qui achètent les licences "5000 postes" avec le contrat d'assistance qui va avec et comptent sur la fiabilité et la stablité du produit acheté pour assurer leurs activités. On parle ici de temps perdu ou de gros pognon, pas de la frustration de "mertt il est où médja pléyeure main'nant?", on parle de manques à gagner à six chiffres parce que la rédaction de chaque rapport prend plus de temps qu'auparavant à cause d'une interface retournée de fond en comble, et une barrette de RAM par poste multipliée par 5000 postes ça devient vite un investissement majeur. Oui c'est pas très glamour, mais la réalité du marché du logiciel pro c'est ça.
Alors bon hein, vu le tarif et le service, on va pas se gêner à "voler" un peu hein? Et surtout, entre payer une licence astronomique qui mettra le service de comptabilité sur les genoux pendant deux semaines à cause des hics d'installation de Vista, et prendre le risque de "pirater" (oh mon Dieu!) un XP pour le nouveau PC... les choix sont vite faits. Et du coté de l'utilisateur moyen? Ben lui il raisonne pareil, à l'habitude ou au pognon, deux facteurs qui ne lui donnent pas envie de payer cher pour un produit qui le frustrera.
Messieurs gris dans votre forteresse de Redmond, ne pensez-vous pas qu'à part vous tourner en ridicule vous n'avez rien gagné à baptiser ainsi une case du calendrier?